Je trouve toujours intéressant de savoir comment les gens arrivent au pieds nus ou à pratiquer une équitation sans mors. La plupart du temps, on a tous commencé de la même façon: en club, cheval tout équipé (couverture/fers/mors), avec la panoplie du parfait petit cavalier made in FFE (éperons, main dure et fermée, adepte des enrênements).
En ce qui me concerne, j'ai connu l'équitation assez cool des poney-clubs puis l'équitation beaucoup plus stricte des militaires. Avec le recul, je pense que, contrairement à ce qu'on pourrait penser, c'est l'équitation de club qui a le plus fait de mal à mes qualités de cavalières.
A cette époque, j'étais déjà passionnée de dressage mais coincée dans un club spécialisé en saut d'obstacles. Pour parler franchement, le dressage, c'était secondaire. Ce qui comptait c'était d'enchaîner toujours plus vite, toujours plus haut. Alors je sautais. Plus vite, plus haut. La politique FFE étant ce qu'elle est, mes lacunes en dressage ne m'ont pas du tout handicapée. Rapidement, j'ai réussi à tourner en 2ème série Ponam sans vraiment rencontrer de grosses difficultés.
Et puis, progressivement, il y a eu la prise de conscience. Impossible pour moi de ne pas être prise de remords après mes concours ou mes séances par rapport à la façon dont on traitait les poneys. Ils levaient la tête? On leur collait une martingale. Ils n'avançaient pas assez? On prenait des éperons plus sévères. Ils avaient peur? On cravachait. C'était violent, complètement illogique, pour les chevaux comme pour les cavaliers.
Moi, ce qui me passionnait déjà à ce moment-là, c'était le travail des chevaux sensibles et délicats. Les réformés, c'était mon terrain de jeux favoris. Et ça tombait bien car mon club en était plein. C'étaient des chevaux qui demandaient calme, finesse et réflexion. Exactement ce que j'aimais dans l'équitation. Avec ces chevaux-là, j'ai découvert que sans patience, je n'arriverais à rien. Ma plus belle rencontre fut avec un superbe PS réformé à 8 ans, d'une douceur et d'une bonne volonté incroyable. Comme s'il avait conscience qu'il avait été sauvé et qu'il comptait tout faire pour bien faire justement. Je pouvais passer des heures à le regarder vivre, à le voir se déplacer, fureter, choisir avec soin les meilleures touffes d'herbe du paddock. J'ai réappris à monter, découvert que l'on avait pas besoin d'artifices pour parvenir à de belles choses. J'ai stoppé la compétition. Le cheval progressait, devenait de plus en plus gérable. Mais il n'était pas rentable; j'étais sa seule cavalière. Au fur et à mesure qu'il progressait, on l'attribuait à des cavaliers au niveau de plus en plus faible, jusqu'à me le retirer totalement car il ne sautait pas assez bien. Ba oui selon mes moniteurs, j'étais cavalière de saut après tout donc il fallait que je reprenne la compétition. Petit à petit, c'était comme si le cheval s'éteignait. J'ai compris des années plus tard qu'on n'avait juste pas pris le temps de l'écouter.
Cette expérience m'a fait prendre conscience qu'en équitation peut être plus qu'ailleurs, on se devait d'être juste, surtout envers son cheval. Mais comment être juste avec les chevaux lorsqu'on doit les plier à nos rythmes de vie effrénés, quand on les force à aller sauter alors que c'est presque contre nature chez eux, quand on doit se doter d'artifices pour contraindre/adapter le cheval à nos besoins et nos envies égoïstes?
J'ai été jusqu'à arrêter l'équitation pour ne pratiquer que très occasionnellement en montant ponctuellement les chevaux d'amis. J'étais dégoûtée des clubs mais je ne connaissais rien d'autre. Je voulais par dessus tout remonter à cheval mais pas dans les conditions que j'avais connues.
Quelques années plus tard, j'ai acheté ma jument sur un coup de tête. J'ai découvert la joie d'être propriétaire et surtout... l'angoisse qui va avec! A ce moment-là, ma jument était en pension dans une énorme structure; quoi que je fasse (et pas que moi d'ailleurs), il y avait toujours "une bonne âme" pour venir me dire que c'était pas bien et qu'il fallait faire autrement. Je passais mon temps à faire la girouette! Un jour, j'ai dit stop. J'ai décidé de n'écouter que mon intuition: j'ai déferré (ma jument ne bossait pas à cette époque), enlevé la couverture, changé de pension pour l'installer dans un vrai beau pré... La petite pouliche maigrichonne et pouilleuse (elle était pleine de dermatophilose) a commencé à revivre et à changer du tout au tout. La machine était lancée... J'ai découvert une nouvelle facette du monde du cheval, un pan entier de l'équitation dont je ne soupçonnais pas l'existence, ce que j'appelle le cheval "nu". Pas de couvertures, pas de fer, pas de mors, matériel et conditions de vie les plus adaptés possible...
Bien sûr, on a souvent critiqué mes choix... Mais j'ai toujours dit m**** aux gens qui croient tout savoir. Qu'on me prouve par A + B que j'ai tord et je remettrais ma façon de faire en cause. Cela ne m'empêche pas de continuer à me documenter en continu pour faire évoluer mes habitudes mais je fonctionne beaucoup à l'intuition qui jusqu'à maintenant ne m'a que rarement fait défaut (j'espère!!).
Je travaille maintenant majoritairement sans mors, mes chevaux sont pieds nus et vivent au pré. Ils ont une nourriture à base de foin et d'herbe, complémentée en céréales trempées. Le travail est adapté en fonction de leur humeur et de leur état physique et mental. Ils travaillent peu et principalement à pied. J'essaie de concevoir des séances ludiques qui soient vécues comme un moment sympathique par tous, humain et équins.
Suis-je parfaite? Non bien sûr! Il y a encore tant à apprendre, à découvrir... Les chevaux sont nos meilleurs guides pour peu que l'on sache les entendre... Apprenons à écouter ce qu'ils ont à nous dire...
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